mercredi 31 octobre 2012

Retours

Canens Africae Blog
Association Lou Ravi

Chaque année, nous voyons revenir à l'élevage quelques chiens dont les maîtres se séparent. Le phénomène se répète encore et encore, malgré nos efforts incessants pour juguler le problème. 
Nous en sommes à huit depuis le début de notre activité, sur une centaine de chiots nés chez nous. Grâce à une politique de placement assez stricte, nous réussissons à limiter ce phénomène. Chez certains éleveurs, il est beaucoup plus important.
Heureusement, le milieu du Saarloos est organisé. Les éleveurs acceptent en général (pas tous hélas) de reprendre les chiens qu'ils ont produits, et lorsque ce n'est pas le cas un réseau d'entraide s'active, des associations prennent le relais,  de sorte qu'on ne trouve pas encore de chien-loup de Saarloos en SPA.



Les motivations des familles à se séparer de leur chien sont diverses et variées, en tous cas en théorie. Elles rejoignent d'ailleurs les motivations des maîtres d'autres races qui abandonnent leur animal. 

Changement de statut familial (divorce) ou professionnel (mutation),  entourage récalcitrant, chien difficile, sont autant de raisons qui poussent certains maîtres à se séparer de leur compagnon.



Raisons officielles des retours 
pour notre élevage
Canens Africae blog
A - Décès du maître : 1
B - Divorce / séparation : 1
C - Maladie : 1
D - Perte du travail et du logement : 1
E - Entourage récalcitrant : 1
F - Caractère du chien jugé trop difficile : 3


A ces huit cas auraient pu s'ajouter cinq ou six autres chiens, dont les maîtres nous ont contacté pour nous les ramener, mais que nous avons pu convaincre de changer d'avis.


Quand on se penche de près sur les raisons de ces retours, on se rend compte qu'elle ne sont pas toutes tout à fait sincère. 

Le cas de la maladie par exemple : nous nous sommes très vite rendu compte que sous un fallacieux prétexte de maladie grave nécessitant une hospitalisation de longue durée, se dissimulait en réalité une incapacité à gérer le chien et ses débordements, notamment au moment du nourrissage (ce cas est celui de Galan, dont l'histoire se trouve sur ce même blog). On peut donc dire que ce cas relève plus du F (caractère difficile) que du C.

Le cas de perte de travail et de logement est encore plus éloquent. Ces faits sont réels, et le maître s'est bien retrouvé à la rue. Lors de l'abandon, la tristesse du propriétaire paraissait sincère, et l'était sans doute. Nous lui avons donc proposé de garder la chienne à la maison, jusqu'à rétablissement de sa situation. Il pourrait alors la récupérer. Malheureusement, nous nous sommes très vite rendu compte que la chienne présentait des comportements agressifs très puissants (liés pour partie à un manque totale d'éducation et de socialisation, mais également il faut bien le reconnaître à des mauvais gènes). Et bien sûr, après avoir réfléchi à notre proposition de récupérer son chien, quel que soit le délai, il nous a froidement répondu que nous pouvions l'euthanasier. 

Dans ce cas encore, et même si les raisons avancées étaient réelles, on peut presque certainement affirmer que le retour était lié au caractère du chien.  

Le cas de l'entourage récalcitrant est du même acabit : le chiot grognait sur le père du maître, qui vivait dans la maison voisine, mais avait jardin commun. Précisons que l'homme en question avait peur du chiot et le menaçait de sa canne dès qu'il le croisait. 

Cette fois, si la raison officielle est que l'entourage a peur du chien (âgé de 4 mois!), c'est bien le caractère qui est en cause (le grognement et la réserve). 

Le dernier cas, celui de la séparation, est plus litigieux, dans la mesure où les bouleversements liés à une telle séparation dépassent le caractère difficile du chien, en cause aussi mais pas seulement. 


De l'analyse de ces huit cas, il ressort que seuls deux retours sont liés à des raisons extérieures au chien (le décès et la séparation). Tous les autres sont liés à son caractère. 



Graphique réel de la situation 


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A - Décès du maître : 1
B - Divorce / séparation : 1
C - Caractère du chien jugé trop difficile : 6


Par ailleurs, une autre donnée à prendre en compte et qui n'apparaît pas encore plus haut, est que quatre de ces huit chiens vivaient sans compagnon canin au sein du foyer (il n'y a que depuis un an que nous sommes extrêmement stricts quant à la présence d'un autre chien dans la maison). Or, ces quatre là font parties des chiens dit difficiles du deuxième graphique (parmi eux, la chienne à euthanasier). 

Encore une fois, il s'avère que le placement d'un chien dans un foyer où il n'a pas de compagnie s'avère désastreux. 
Il y a fort à parier que si nous avions à l'époque exigé la présence un autre chien dans le foyer, ils n'auraient pas eu a subir le traumatisme de l'abandon, et que tous les quatre vivraient aujourd'hui des vies de famille heureuses, ce qui n'est pas le cas pour deux d'entre eux.  

Pourquoi cet article?

Tout d'abord, pour expliquer aux nouveaux éleveurs que le risque de se retrouver avec des chiens non-voulus sur les bras est réel, et que le contrôle de ce risque passe par une sélection rigoureuse des clients. Bien sûr, en cette matière comme en toutes, l'expérience seule forge le bon éleveur, et la simple lecture de cet article ne suffira pas à empêcher les erreurs. Elle pourra cependant permettre à certains de redresser plus vite la barre. 

Ensuite, pour pointer du doigt un dysfonctionnement de communication, qui nous préoccupe beaucoup au sein de la commission Saarloos du BHCF, et qui est notre incapacité en tant qu'éleveurs et amateurs de la race à faire comprendre la complexité du caractère du Saarloos aux nouveaux acquéreurs. 

Nous travaillons sur ce point, mais les pistes explorées ne sont pas très satisfaisantes, et restent ouvertes. 

Enfin, pour alerter les adoptants d'un saarloos adulte de la difficulté d'une telle démarche si on n'a pas déjà un chien-loup. 

En effet, un chien qui revient est le plus souvent un chien qui a manqué de socialisation, d'éducation, et d'amour. Il est donc marqué par certaines expériences, et parfois traumatisé. 
Commencer avec un chiot, c'est apprendre le Saarloos en même temps que le Saarloos apprend l'humain, c'est tisser avec lui une histoire d'amour et de respect qui fera passer sur les difficultés de la relation, c'est en somme devenir Saarloosien. 
Commencer par un adulte, c'est se prendre de plein fouet le caractère blessé d'un chien abandonné, renforcé par les traits de caractère de la race auxquels on n'a pas eu le temps de s'habituer. 
C'est expérimenter en direct tous les travers de la race, et attendre parfois longtemps avant de voir s'exprimer ses qualités.
Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas se lancer dans l'aventure, au contraire, et les adultes abandonnés ont besoin de famille. 
Mais cela signifie que le placement des adultes nécessite autant de précautions, sinon plus, que celui des chiots. 








8 commentaires:

  1. Article très intéressant, merci.
    Peut-être bien mettre l'accent sur une chose : lorsque tu parles de chiens au caractère difficile et qui reviennent à l'élevage en tant que tels. Le caractère difficile est malheureusement aussi souvent la résultante d'un manque de travail du chiot par son ancien propriétaire : pas assez socialisé, ou proprio qui s'est "laissé marcher sur les pieds" (entre autres).
    On l'a déjà noté avec certains chiots qui lorsqu'ils sont partis étaient très biens dans leur tête, visiblement un bel avenir devant eux. Or entre de mauvaises mains, ils ont été transformés, et là les anciens proprios se sont en effet retrouvés avec des chiens au caractère difficile, difficile oui, mais par leur propre faute ...
    Je ne dis pas par là non plus que le Saarloos est un chien facile, bien au contraire, c'est un chien difficile déjà à la base. Mais il est parfois rendu encore plus difficile suite à des erreurs de personnes qui se révèlent absolument pas capables de se remettre en question et d'apprendre, bref de s'adapter au comportement du Saarloos.

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    1. Merci Virginie, tu as raison de soulever ce point, que j'ai un peu passé à la trappe. Je rajoute un paragraphe rapidement.

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  2. Cet article est très bien rédigé et force la réflexion sur l'achat d'un chien tel que le Saarloos.

    Il n'y a qu'une chose qui me vient à l'esprit et qui, peut être, mériterait d'être soulignée : la socialisation durant les 2 premiers mois du chiots à l'élevage, juste avant qu'il rejoigne son nouveau foyer, est aussi très importante, et ça, vous le faites très bien ! Bien sûr, cela ne garanti en rien les non-retours, la preuve, mais je pense que si la socialisation avait été biaisée, les retours auraient été plus nombreux ...

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    1. Merci katleen, tu as raison, c'est sans doute une des raisons, la première étant je pense une sélection stricte des adoptants.

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  3. Un article très intéressant ou vous soulignez des choses très pertinentes...Cela démontre aussi l'importance d'une relation de confiance entre les clients et l'éleveur, comme vous le dites, certains abandons, grâce à vos conseils et votre intervention, ont tout de même pu être évités. Heureusement, je trouve que la majorité des éleveurs de saarloos, semblent garder de bons contacts avec leur clients, et par la même occasion, gardent un œil sur le chiot qu'ils ont placé.

    Il est vrai qu'il y a toujours les fausses raisons et les vraies raisons d'un abandon...et il est difficile de démêler le vrai du faux car l'abandon cache souvent des problèmes humains, et ces problèmes peuvent aussi rendre le chien compliqué à gérer.

    Par contre je n'ai pas bien compris quand tu évoques votre "incapacité en tant qu'éleveurs et amateurs de la race à faire comprendre la complexité du caractère du Saarloos aux nouveaux acquéreurs". Veux-tu dire que malgré vos mises en gardes, les gens ont toujours de la difficulté à s'imaginer ce qu'implique un saarloos au quotidien ?

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    1. Oui Marine, c'est exactement ça.
      Tout d'abord, l'image du Saarloos auprès du public est brouillée et ambiguë. Il est généralement perçu comme un chien sauvage et asocial, qui ne sert à rien.
      Pour les potentiels acquéreurs, qui passent outre cette image peu flatteuse, il est soit un chien normal (le côté réservé serait en quelque sorte dû à un mauvais travail des éleveurs, qui disparaîtra avec un peu de travail), soit un chien définitivement difficile, et du coup réservé à une élite (ce discours est très en vogue sur certains sites). Au final, il est très difficile de se faire une idée précise de la vie avec un Saarloos avant de l'avoir expérimentée.
      Bien sûr, je grossis le trait, et les gens motivés, à l'écoute, et qui font des recherches, peuvent se faire une image proche de la réalité. Mais ce n'est pas la majorité.
      Le phénomène est rendu plus compliqué encore par le fait qu'il n'y a pas pour l'instant un caractère Saarloos parfaitement défini. La race est encore jeune, et les disparités importantes (nous parlons là des différentes significations des termes "caractères difficiles" appliqués au Saarloos).
      Par exemple, je ne pense pas que toi et Romain, qui pourtant commenciez à bien connaître la race, aviez imaginé la richesse et la complexité de la vie avec Gossip?

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  4. Ce dernier point de "rendre" le caractère du Saarloos me fait penser que j'ai découvert un merveilleux réseau de saarloosiens facilement accessibles via facebook. Nous sommes tous des grands passionnés, partout dans la france, et je pense qu'un nouveau maître de saarloos sera toujours le bienvenu lors de rencontres pour approcher le saarloos.

    J'avoue qu'on a pris en pleine tronche le caractère de Eiko, pas si facile, je me sentais prête et j'avais une idée du saarloos. Je baisse les bras de temps en temps je perds mes moyens aussi, mais il y a toujours ces moments d'accalmie ou je vois du progrès des changements et je suis très heureuse de l'avoir avec nous.

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  5. Merci Axelle de ce témoignage. Il est tout à fait vrai que le réseau du saarloos est très développé, et apporte beaucoup d'aides et de conseil. Par ailleurs, c'est effectivement à vous que je pensais en rédigeant le dernier chapitre de l'article. Malgré toutes les précautions, vous ne vous attendiez pas à ce que vous avez trouvé, ni l'un ni l'autre. Et pourtant, Eïko est un chien facile, comparé à d'autres. Mais vous n'avez pas baissé les bras, c'est aussi à cela qu'on reconnaît les saarloosiens....

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