jeudi 24 octobre 2013

Elevage professionnel vs élevage amateur

Canens Africae blog

On oppose souvent dans la cynophilie l'élevage amateur à l'élevage professionnel, et la plupart du temps au détriment de ce dernier.

 Les péchés des éleveurs pros sont nombreux (production à la chaine, chiots non socialisés, malades, chiens maltraités, trafic de papiers, j'en passe et des meilleurs). Par opposition, l'élevage amateur (plus joliment appelé familial) est paré de toutes les vertus, à commencer par sa motivation première, la passion du chien (alors que, c'est bien connu, les éleveurs professionnels ne sont motivés que par l'argent).
Qu'en est-il réellement de cette vision manichéenne? 

Avant de répondre à cette question, il faut déjà définir ce qu'est l'élevage. Au regard de la loi, « être éleveur c’est avoir une activité d’élevage et avoir une activité d’élevage c’est le fait de détenir et vendre au moins deux portées par an » (L214-6 code rural).
Par ailleurs, l'article R 214-32-1 précise que si on n'exerce pas l’activité d’élevage comme définie ci-dessus, on doit noter sur ses annonces de vente de chiots, le mot "particulier". 
Au nom de la loi, donc, on est ou éleveur (deux portée par an ou plus) ou particulier (une portée par an ou moins).
Cette définition répond à un besoin de classification financière, le fait de produire deux portées par an ou plus obligeant l'éleveur à déclarer les revenus des ventes des chiots à la Mutualité Sociale Agricole, et à payer des impôts en conséquence. On peut noter qu'aux yeux du législateur, le fait de produire une portée par an ou moins ne fait pas un éleveur.

Par commodité, j'emploierai dans cet article une autre dénomination que celle du législateur : j'utiliserai les termes d'éleveur amateur et d'éleveur professionnel aux sens communs de ces termes, c'est-à-dire que j'engloberai dans le terme d'éleveur amateur les éleveurs qui ont une activité professionnelle dont ils vivent, et qui pratiquent l'élevage en plus de cette activité, en produisant une portée par an, deux au maximum, par opposition au terme d'éleveur professionnel qui désigne l'éleveur qui vit ou non de son activité d'élevage mais y consacre tout son temps et produit plusieurs portées par an.

Examinons tout d'abord l'élevage amateur. Comme nous venons de le voir, l'élevage amateur est celui dont ne vit pas l'éleveur. Il ne constitue pas une source de revenus, et est plutôt considéré comme un hobby, au sens où il est pratiqué sur le temps libre de l'éleveur.


Par définition, il ne répond ni aux mêmes motivations, ni aux mêmes exigences, ni aux mêmes objectifs que l'élevage professionnel. 
Il est lui-même divisible en deux grands types d'élevage. 
Le premier est souvent pratiqué en-dehors des règles de la cynophilie (portée non LOF), ou/et en dehors des règles édictées par les clubs de races (tests de santé non réalisés, parents non sortis en exposition). On fait une portée par-ci par-là, en cherchant un mâle sur le bon coin ou dans les petites annonces des journaux locaux. Je ne m'étendrai pas plus sur ce type précis d'élevage amateur, le plus répandu, sauf à ajouter que les éleveurs ne disposent pas des structures nécessaires pour reprendre les chiots mal placés dont les maîtres ne veulent plus, et que c'est ce type d'élevage qui fournit la grande majorité des chiens de races, ou de types, qui remplissent les refuges et les SPA. 
Je m'attarderai plutôt ici sur l'élevage amateur de qualité, qui obéit aux règles et de la SCC, et du club de race. 
Qu'est-ce qui motive un particulier à se lancer dans l'élevage? L'amour de son chien de toute évidence est la première raison, et le fait de vouloir le rendre éternel en lui assurant une descendance. C'est un réflexe très humain de protection contre la douleur de la mort du chien, à la vie si courte. 
Le deuxième motif de passage à l'acte d'élevage est la conviction intime, et partagée par tout maître, que son chien est le plus beau et/ou le plus gentil et/ou le plus intelligent, et que ses qualités apporteront beaucoup à la race s'il peut se reproduire. 
La troisième motivation de l'éleveur amateur est pécuniaire : un chien de race coûte cher, depuis son arrivée à la maison jusqu'à sa mort, et si l'argent de la vente des chiots peut alléger le coût de l'entretien, pourquoi pas? 
Par la suite, les motivations évoluent, et certains éleveurs restent amateurs, avec peu de chiens, mais les font reproduire régulièrement. Ils entrent alors dans le système cynophile, et leur objectif devient l'amélioration de leur lignée, et de la race. Ils se prennent au jeu des concours, et rivaliser avec les grands élevages devient un challenge. On voit surtout ce phénomène dans des races anciennes et établies, ou les morphotypes sont fixés et l'homogénéité installée. 

Les moyens et les installations d'un élevage amateur ne sont pas importants, ce qui en constitue tout à la fois la force et la faiblesse. La force, parce que la pérennité de l'élevage n'est pas à la merci de sa productivité, la faiblesse parce que son développement en est limité. 
(C'est la nature même de l'amateurisme que de limiter les aspirations de celui qui pratique. Un photographe amateur ne dispose ni de la formation, ni des moyens, ni du réseau d'un photographe professionnel. Idem pour un comédien, pour un plombier, pour un journaliste.) 
La formation, tout d'abord, est difficile à obtenir pour un amateur. Non pas qu'elle ne lui soit pas accessible, la SCC dispense des formations de base, et donne accès à des séminaires de pointe, à qui le demande, et qui peut payer. Mais c'est souvent en semaine, sur le temps de travail. Et accessible principalement aux éleveurs détenteurs d'un affixe, aux élèves juges, aux juges aguerris. L'expérience est longue à acquérir, à raison d'une ou deux portée par an, voire moins. Quant au réseau, il peut ou non être facile à constituer, en fonction de la race, des affinités, et de l'habileté de chacun.    
Les chiots produits par les particuliers ne sont couverts par aucune garantie, et le service après-vente est souvent succinct (mais pas toujours). 

Le gros atout de l'élevage amateur pour la race est qu'il utilise des chiens qui n'auraient pas forcément été sélectionnés par l'éleveur professionnel, et qui ne reproduisent qu'une fois ou deux. Si le résultat des portées est hasardeux, il n'en demeure pas moins que l'élevage amateur contribue à créer un vivier génétique et morphologique singulier, qui peut se révéler essentiel pour la sauvegarde d'une race, notamment si elle est à faible effectif. 


Par opposition à l'élevage amateur, l'éleveur professionnel est celui qui produit plus de deux portées par an, et dont l'activité d'élevage est l'activité principale. 
Distinguons d'emblée deux grands types d'élevage pros. 
Les premiers ne font pas l'objet de cet articles. Ce sont les fermes d'élevage, souvent multiraces, qui produisent indifféremment chiens avec et sans papiers. On trouve dans ces élevages des chiens maltraités, des chiens importés illégalement, des reproductrices qui ont jusqu'à huit ou dix portées au cours de leur vie. Ces fermes fournissent les animaleries, parfois les laboratoires, vendent les surplus par petites annonces ou dans les salons du chiot. 
Ce type d'élevage n'a pas pour but l'amélioration des races, et n'a de professionnel que le statut, pas les pratiques. 

L'autre type d'élevage professionnel, celui qui nous intéresse et fait l'objet de cet article, est celui qui s'occupe de races. 
L'éleveur professionnel est celui qui possède les connaissances requises pour mener à bien un programme d'élevage. Il a suivi des formation professionnelles et a acquis des connaissances en physiologie, prophylaxie, médecine vétérinaire, génétique canine, etc. 
Il est à même de sélectionner des chiots pour ses clients, et a pour la race et en tous cas pour son élevage une vision à long terme. 
L'expérience joue aussi en sa faveur : le nombre de portée élevées, de chiots sélectionnés chaque année, est bien supérieur à celui d'un particulier. 

L'objectif principal de l'éleveur professionnel est de durer, et de pérenniser son activité. Pour cela, il lui faut produire suffisamment de chiots chaque année pour lui permettre de gagner au moins autant d'argent qu'il n'en dépense pour l'élevage. Il lui faut vendre les chiots, ce qui induit de développer une communication percutante, et surtout, et c'est la partie la plus difficile, il lui faut produire des chiots de qualité, sains, avec des caractères équilibrés, pour lui permettre de renforcer son image et sa réputation. Il lui faut également assurer un service après-vente efficient.
Le deuxième objectif de l'éleveur (et parfois le premier, tout dépend des caractères) est de briller par sa production; le système cynophile est basé sur la concurrence, concurrence matérialisée par les expositions de beauté canine.
Avoir des chiens qui gagnent, produire des champions de beauté ou de travail, c'est à la fois obtenir de la profession une reconnaissance de son travail, et faire connaître son élevage auprès des particuliers. Pour cela, pas d'alternative, il faut sortir en expo, présenter ses chiens, inciter ses clients à sortir les leurs : sans exposition, sans récompense, pas d'élevage qui dure, sauf à élever des races très à la mode pendant peu de temps, en surfant sur les engouements du public.
Le troisième objectif de l'éleveur est d'améliorer la race; contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, c'est un objectif partagé par tous les éleveurs. Les différences se situent dans les définitions personnelles d'amélioration de la race d'une part, et dans les moyens mis-en-oeuvre pour y parvenir d'autre part.


A-priori, on le voit, l'élevage professionnel dispose de nombreux atouts par rapport à l'élevage amateur. Pourtant, les clichés ont la vie dure. Ainsi, il est communément admis que l'élevage amateur, de par son environnement familial, produit des chiots mieux socialisés, plus équilibrés, car élevés avec amour, que l'élevage professionnel où l'éleveur à moins de temps à consacrer à chaque bébé. 
Une étude australienne bat en brèche ce lieu commun. Elle a comparé les pratiques professionnelles de 40 éleveurs amateurs et 40 éleveurs professionnels :
"La différence se fait sur le nombre de chiennes reproductrices et de portées par an. Les portées sont programmées dans 98% des cas chez les éleveurs professionnels alors qu'elles ne le sont pas pour 25% des éleveurs amateurs. L'âge moyen d'adoption des chiots était de 7 semaines chez les éleveurs amateurs et de 8 semaines chez les professionnels. 
D'autres différences sont notées dans les pratiques de socialisation. Les professionnels mettent plus souvent les chiots en contact avec d'autres chiens et des personnes d'apparences différentes. Ils les sortent aussi plus souvent en laisse. Les chiots d'éleveurs professionnels passent plus de temps dans la maison que les chiots d'éleveurs amateurs et sont davantage habitués aux bruits qui y sont rencontrés. 
Les auteurs concluent sur la meilleure socialisation des chiots élevés par les éleveurs professionnels de cette étude et conseillent aux propriétaires de chiots peu socialisés de les soumettre à divers stimuli jusqu'à l'âge de 14 semaines."  
(Article de Caroline Siméon paru dans l'Essentiel n°235 du 8 déc. 2011, résumé dans Cynophilie Française n°158 du 1er trimestre 2012).

Un autre cliché qui a la vie dure, déjà évoqué plus haut, est cette idée que l'élevage amateur est basé sur la passion, et l'élevage professionnel sur l'argent. 
C'est vraiment méconnaitre la situation des éleveurs professionnels que de véhiculer de tels poncifs. L'élevage ne permet pas de vivre dans la majorité des cas, il peut éventuellement permettre de survivre. Beaucoup d'éleveurs doivent pratiquer d'autres activités secondaires pour assurer le quotidien, ou vivre des minimas sociaux (je consacrerai un petit article à l'argent prochainement). 
Le travail est éreintant, et ne s'arrête jamais. Beaucoup d'éleveurs ne connaissent pas la significations des mots week-ends et vacances. 
Dès lors, qu'est-ce qui peut motiver quelqu'un à exercer cette profession si ce n'est la passion? Ceux qui ne l'ont pas, ou qui la perdent en cours de route, cesse leur activité très rapidement (j'allais dire s'en libèrent...)

L'objet de cet article n'est pas de trainer dans la boue l'élevage amateur pour porter au pinacle l'élevage pro. 
Tout d'abord, il s'agit de rétablir quelques vérités qu'on a un peu tendance à oublier. Il est toujours frustrant, lorsqu'on est professionnel, d'apprendre qu'on est considéré comme un industriel du chien, mené par l'appât du gain.
Mais surtout, l'objet de cet article est de montrer la complémentarité des deux pratiques, et de dire à quel point il est important que particuliers et professionnels travaillent ensemble et dans le même sens. 
En ce qui concerne le chien-loup de saarloos, il est très difficile pour un particulier de se lancer seul dans l'aventure de l'élevage. Non que la race soit particulièrement difficile à reproduire, au contraire, on ne rencontre pas beaucoup de difficultés techniques en terme de saillie, de gestation ou de mise-bas. 
Les problèmes peuvent par contre surgir lors de la socialisation des chiots, et surtout de leur vente. 
En revanche, si le particulier se tourne vers son éleveur ou un éleveur de son choix pour faire reproduire sa chienne ou son étalon, il a toutes les chances que les choses se déroulent le mieux du monde. Le choix du mâle ou de la femelle se fera en fonction d'un nombre de critères importants, parmi un grand nombre d'individus auxquels le particulier n'aurait pas forcément eu accès autrement. Il pourra également bénéficier de la force de communication de l'éleveur, et de nombreux conseils et soutiens de sa part. 
L'éleveur quant à lui pourra travailler sur des lignées et des mariages qu'il n'aurait pas fait seul, et récupérer selon le contrat un chiot ou le prix d'un chiot (ou toute autre rémunération ou gratification fixée par avance avec le particulier). 
L'association éleveur pro/éleveur amateur est donc une opération où tout le monde gagne, à commencer par les chiens et la race. 
En tant qu'éleveurs, nous encourageons vivement nos clients à réfléchir à une éventuelle repro avec leur chien si ils en ont envie, mais en travaillant avec nous (ou avec d'autres éleveurs amis). 


4 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Je partage tout à fait votre vision, il est bon parfois de remettre les choses à leur place....

    J'ai également beaucoup de mal avec l'association élevage amateur = passion / élevage pro = argent. Sachant que l'argent gagné, dans un élevage professionnel est OBLIGATOIREMENT et avant tout reversé ou réinvesti dans les besoins des chiens, mais pas nécessairement dans un élevage amateur justement puisque les charges sont beaucoup moins conséquentes, donc...

    Et dans les faits, combien d'élevages amateurs passionnés qui pourtant pensent œuvrer pour la race, se disent "familial avec socialisation et vie en maison" font grandir leurs chiots dans la maison, certes, mais dans le garage (ou autre pièce isolée)... avec beaucoup moins de temps (et donc par conséquent beaucoup moins de sorties, de socialisation, de contact, etc..) puisque l'éleveur amateur travaille environ 8h par jour à l'extérieur. Contrairement à l'éleveur professionnel qui, ne pouvant pas toujours faire bénéficier aux chiots d'un début de vie en maison, a le temps, les dispositions, l'expérience, les contacts pour mener un travail de socialisation de qualité. Beaucoup de propriétaires se font aussi avoir par cette image d'éleveur familial. Je pense que le plus important au final, en tant que futur propriétaire, est surtout de vérifier chaque critères selon ses attentes personnelles, sans se fier à ces images d'élevage "familial" ou "professionnel".

    Et en résumé, du côté des éleveurs, je suis complètement d'accord avec vous sur le fait que l'association des deux types d'élevages est la meilleure des choses pour la race :)

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  3. ah bon , tout ça est bon à savoir , moi personnellement j'ai encore beaucoup à apprendre ! donc je vous remercie , la je suis un peu orienter :)

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  4. Les chiens sont super , il n'y a pas meilleurs amis qu'eux, pour ma part en tout cas, je les adores :)

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