mercredi 13 juin 2012

Sélection - Première partie

Canens Africae blog



Le métier d'éleveur présente de multiples facettes

Certaines sont passionnantes (planification des mariages, naissances, etc.), d'autres stressantes (mises-bas, sélection des clients, etc.), d'autres encore terribles (décès des chiens ou des chiots).
Un des aspects les plus intéressants de ce métier, et sans aucun doute celui qui fait le plus parler et fantasmer tout le monde, est la sélection. Sélection des reproducteurs, des chiots dans une portée, des lignées... Autant d'options qui s'offrent à l'éleveur, basées sur des critères parfois évidents, parfois nébuleux, et qui bien souvent sont contestées par les autres éleveurs ou les particuliers amateurs de la race, qui pensent que tel mariage aurait du être évité, ou que tel autre aurait été plus judicieux.


Je vais dans cet article tenter d'expliquer comment nous effectuons notre sélection, en fonction de quelle hiérarchie de critères, et selon quelle philosophie.
Nous verrons dans une première partie comment nous sélectionnons sur le physique.
De prochains articles traiteront de la sélection sur les critères de caractère, de santé, de consanguinité, et enfin de critères plus subjectifs.



Canens Africae blog
Tango Timber Eskalupa

I - la sélection sur le physique

C'est le type de sélection le plus pratiqué en France, où l'élevage n'est pratiquement pas encadré. C'est un peu moins le cas chez nos voisins européens, où les règles d'élevage sont plus nombreuses et contraignantes (notamment en Suisse, aux Pays-Bas, ou encore en Allemagne). Là, les critères de santé et de consanguinité sont passés au crible par les commissions d'élevage et prennent le dessus dans la sélection des reproducteurs, avec il faut bien le constater des résultats parfois décevants.

L'extérieur du chien est le premier critère qui vient à l'esprit, le plus évident. Une race est définie par un standard, principalement physique, et le but de l'élevage est de produire des chiens qui respectent ce standard. On va chercher à marier à la femelle un mâle qui corrige ses défauts, sublime ses qualités.
On va se baser sur différents points, selon ses goûts et ses préoccupations. La sélection sur le physique est un exercice très subjectif, qui repose sur les capacités de l'éleveur à voir et à percevoir les défauts et qualités des chiens, et à les hiérarchiser.

La tête est la partie du corps la plus facile à évaluer, et détermine le type du chien (au sens commun du terme, même s'il est amusant de noter que pour le saarloos, le sens commun et le sens cynophile se rejoignent. On parle en effet en cynophilie de types lupoïde, braccoïde, ou molossoïde, or on parle au sens commun du terme pour le saarloos de type plus ou moins lupoïde.)

Canens Africae saarloos
La tête spectaculaire d'Egypt
La tête est souvent la partie du chien la plus travaillée par les éleveurs, toutes races confondues.
Couleur et forme des yeux, taille et forme des oreilles, longueur et puissance du chanfrein, ou encore absence ou présence de babines, commissures tombantes, sont autant de points faciles à évaluer qui marquent la première identité visuelle du chien.

Le corps en revanche est beaucoup plus difficile à appréhender, car il se décompose en une multitude de régions qui toutes doivent obéir au standard pour former un tout harmonieux. Or, s'il est simple de juger de la qualité d'une ligne de dos ou d'une sortie d'encolure, déterminer la longueur ou l'inclinaison d'une croupe demande un bon entraînement, de même qu'évaluer la bonne conformation d'une cage thoracique, ou encore plus de juger de l'adéquation des angulations.
Il est d'autant plus important pour un éleveur d'être capable d'évaluer correctement le corps du chien que, comme aime à le rappeler Cornelia Keizer, il ne court pas avec sa tête, et que de l'harmonie de l'ensemble dépendra la qualité des allures, qui sont une constituante essentielle de l'identité des chiens-loups de Saarloos.

Pour nous, la tête est bien sûr importante, mais le corps l'est plus encore.
Une ossature puissante et solide est un gage de santé, de bonnes angulations assurent des mouvements fluides.
Je suis actuellement élève juge pour les expositions de beauté, mais j'ai commencé ma formation auprès de Cornelia Keizer il y a plusieurs années. J'ai appris très vite à voir certaines qualités et certains défauts, les plus évidents. 

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Croupe, fouet et angulations parfaits
D'autres m'ont demandé beaucoup plus de temps, et je commence juste à comprendre pourquoi Cornelia se fait autant de soucis à-propos des croupes trop courtes qu'on voit de plus en plus dans la race. 

L'objectif de l'éleveur est double en matière de sélection, et peut apparaître schizophrénique au premier abord. Il s'agit d'un côté de produire des chiots qui rencontreront un public, qui se vendront, et seront dans l'air du temps.
D'un autre côté, la mission première de l'éleveur, son engagement moral, est de veiller à la pérennité de la race.
Sur le plan physique, cet objectif s'exprime par la nécessité de continuer de faire naître des chiens dans le standard, avec suffisamment de variabilité dans les types pour permettre à la race d'évoluer dans plusieurs directions, et par l'élimination des défauts de construction.
Concrètement, pour atteindre ce premier objectif, il faut connaître parfaitement l'anatomie canine et les mouvement du corps du chien.
Il faut être capable de détecter immédiatement si les chiots produits ont une croupe correcte, un fouet bien attaché, si le talon est trop haut, la poitrine trop serrée ou trop ouverte, si les angulations sont bonnes.

Canens Africae saarloos
Un chiot très prometteur
Cette partie de l'élevage, apprendre à regarder et à voir, est certainement une des plus difficile, qui demande du travail et du temps. Former son oeil est le travail d'une vie. 

Un des pièges à éviter pour un éleveur, quelle que soit la race avec laquelle il travaille, est d'aller vers les hypertypes. Le chien-loup de Saarloos n'échappe pas à la règle, l'hypertype de la race étant l'hyperlupoïdie. Il est d'autant plus difficile de ne pas céder à la tentation que le type hyperlupoïde est en ce moment très demandé et très à la mode.
Si l'hypertype est souvent une menace pour la santé des chiens qui y sont soumis (raccourcissement excessif des dos qui entraîne des spinus bifida chez le bouledogue français, nez trop rentré qui bloque la respiration chez le bouledogue anglais, plis trop marqués entrainant des infections dermatologiques chez le sharpei, etc.), ce n'est pas vraiment le cas chez le Saarloos, rien dans le type lupoïde ne présentant une menace pour la santé du chien. On peut néanmoins noter qu'un affinement excessif du chanfrein modifie l'arcade dentaire, et que le risque de voir apparaître de mauvaises implantations n'est pas négligeable (alors que ce problème est pour le moment quasi-inexistant dans la race).
Enfin, n'oublions pas que le type très lupoïde est une mode, et que les modes ont cette caractéristique en commun qu'elles finissent par passer.
On le voit d'ailleurs déjà avec le type "Skog", du nom d'un étalon qui a tracé ces dernières années des têtes très lupoïdes (au détriment souvent des croupes et des arrières-mains), qui a fait fureur mais dont les gens commencent à se détourner...

Suite de l'article ici


7 commentaires:

  1. Article très intéressant, merci :)

    Il aurait été pas mal d'avoir un petit croquis expliquant le standard du Saarloos, pour imager vos descriptions.

    Une question qui n'a pas été abordée dans l'article : il n'a jamais été envisagé une sélection par le "caractère", en même temps que par le physique ?

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  2. Un article vraiment très intéressant et bien illustré.

    On voudrait presque plus de détails ;-)

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  3. Merci Marine et Olivier pour les commentaires.
    Olivier, en tant que membre du BHCF, tu dois avoir reçu une édition des commentaires au standard par Cornelia Keizer et Annie Pouvesle, illustrés pour chaque point par des photos. Si tu ne l'as pas eue, rassure-toi, une nouvelle édition ne devrait pas tarder à sortir, avec de nouvelles illustrations et sans doute en couleur.
    Quant à la sélection sur le caractère, elle est bien sûr essentielle en élevage, et fera l'objet d'une prochaine parution (comme je le précise en introduction de cet article :-))

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    1. Très très intéressant ;-)
      On attend la suite justement ^^

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  4. J'attends la suite avec impatience ! Vous savez mettre y les mots... merci :-)

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  5. Merci merci, la suite est presque prête...

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  6. Très très très bon article, où je suis bien contente de retrouver les 2 points essentiels qui sont (pour moi) un gage d'honneteté, tu as écris en effet que les éleveurs produisent des chiots qui doivent se vendre ET assurer la pérennité de la race, trop d'éleveurs ne s'arrêtent qu'au premier point, dans d'autres races que le Saarloos en tous cas... Merci!! (je file lire l'autre partie de l'article ;-))

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